Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Quatre-cent-quatre-vingt-septième goutte

Aussi mystique et
Pervers que Le cahier noir
de Joë Bousquet.

«Je dévoilerai au fond de moi le tourment qui hurle au fond de tous ces hommes.» Voilà en substance le propos du Cahier Noir, la seule oeuvre érotique connue de Joë Bousquet.

Pendant la première guerre mondiale, alors qu’il n’avait que 21 ans, Bousquet est atteint à la colonne vertébrale par une balle. Il est paralysé à hauteur des pectoraux, perd l’usage de ses membres inférieurs… et est devenu définitivement incapable d’avoir de la sensibilité génitale et d’avoir des érections. Il va rester alité le reste de sa vie (il meurt en 1950) et se faire écrivain.

Sa situation d’handicap n’a toutefois pas tué sa libido, ni sa vie érotique, car son principal organe sexuel – son cerveau – était resté intact et prodigieusement bien stimulé. Le Cahier noir, qu’il gardait secret, fut publié presque quarante ans après sa mort et prend la forme d’une suite de tableaux obsessionnels dont les thèmes récurrents sont le voyeurisme (évidemment), mais aussi la domination, le sadisme, les fesses féminines et les relations anales sodomites, dans une forme hautement ritualisé et frénétique. On découvre dans le Cahier noir toute la richesse fantasmatique d’un homme dont la sexualité avait été confinée de force à l’imaginaire.

Extrait :

C’est à travers mon visage qu’elle entre tout entière dans Îa pensée de son corps : c’est pourquoi elle ne me le livra pas tout d’abord de vulgaire façon : Quand sa croupe envahit le fond de mes yeux elle y devient la transparence de son être de femme et je suis comme un rêve dans la profondeur entrouverte de ses fesses, découvert en ma profondeur comme dans la raie d’un éclair où ma profondeur s’éclaire dans une image de la naïveté que tourne vers moi ce visage encadré de broderies. C’est alors qu’il me vint envie de la fouetter afin de mêler mes gestes à la danse de son corps dans une plaisante cueillette où mon amour s’éclairait dans mes yeux de mes sensations comme d’autant de roses : Je ne tardai pas à exécuter mon dessein; et, un soir d’été, la déculottai sur un prétexte afin de la fouetter sur sa peau nue; Elle ne m’opposa pas de résistance et au contraire, se plia à être si docile que, sans l’avoir plus que ployée sous mon bras, je voyais ressusciter en elle une profondeur dans laquelle s’enfonçait sa robe élégante dans l’éclairage de son visage de fillette : À peine eus-je découvert sa croupe qu’une culotte enveloppait d’un transparent voile rose que je demeurai en extase devant cette chair si tendre qu’elle m’offrait comme une transparence plus grande où son enfance l’éclairait désarmée : Je me souvins de son visage, de tout ce qu’en elle j’aimais : Je me sentais comme happé dans l’obéissance de ce corps où mes membres entraient dans une profondeur qui soulevait dans mes yeux son éclat comme l’éclair dans un orage d’un tardif rayon de soleil. Je me sentais tomber dans une défaillance où son immobilité m’entraînait, car elle m’élevait sur elle toute ma pensée dans une lumière spirituelle où ma réalité se noyait. Je soulevai plus complètement sa chemise sur sa taille et me mis à frapper avec force tout en serrant sa taille autour de mon bras.

Elle devait me raconter par la suite comment le bruit des claques, en l’enveloppant d’un langage où se mêlaient ses silences, n’avait pas peu contribué à l’affoler. Elle se sentait découverte dans mes bras et retirée par ma violence de la nuit où je l’avais plongée : Je la traitais comme une enfant, je violais en elle le sentiment qu’elle était femme. Ma force s’éveillait dans le miroir où elle m’attendait, mais c’était pour se sentir éclore à elle-même comme un fruit dans les épines d’où la chaleur du ciel l’a tiré.

Son regard 

Comme elle s’était agenouillée les jupes relevées sur sa croupe et qu’elle tournait légèrement le visage vers moi par-dessus son épaule, je me sentis provoqué à la frapper et ne tardai pas à m’acquitter de ce soin.

Le «Son regard •» est dans le texte. J’ai failli ajouter un [sic], mais je sens que j’aurais fait affront à l’œuvre de Bousquet (que je vous recommande chaudement).

À demain pour un autre tercet obscène.

Si l’envie vous prend d’appuyer financièrement ce projet, n’hésitez surtout pas à le faire!

Vous désabonner

Participez à la discussion !

En savoir plus sur Mille gouttes opalines

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture