J’ai branlé un homme
Dans le vagin d’une femme
Achievement unlocked.

Croyez-le ou non, ce senryū est inspiré d’un fait vécu. VÉCU PAR MOI, en plus. Je l’ai raconté dans une de mes chroniques pour Lettres québécoises; je pense que ça mérite d’être lu.

Vie littéraire
C’est arrivé il y a quelques années pendant une soirée libertine chez un couple dont la licorne était la blonde du type qui baisait à l’occasion la fille que j’avais commencé à fréquenter et qui par la suite est devenue une de mes amoureuses (je sais, ma vie sentimentale n’est pas simple). Vous savez, ce genre de sauterie de banlieue qui commence par du vin mousseux acheté chez Costco, se poursuit dans le spa et se termine par des stimulations et emboîtements d’organes génitaux dans toutes les configurations possibles, jusqu’à ce que la preuve mathématique soit faite que les permutations ont été épuisées.
Nos hôtes étaient dans la quarantaine et avaient coordonné leurs gardes partagées respectives pour pouvoir consacrer un weekend sur deux à se dévergonder, pratiquer l’échangisme et organiser les partouzes les plus prisées de tout l’ouest du Québec. C’était surtout Charlotte, la maîtresse de la maison, qui était responsable des festivités et qui en réglait tous les détails. J’ai su plus tard qu’elle animait aussi des démonstrations de produits Avon ; c’était probablement de là que lui venait son sens aigu de l’organisation.
La soirée allait de bon train et Charlotte était assise sur le canapé du salon, les fesses à l’air et les jambes faisant le V de la victoire. Moi, j’étais agenouillée devant elle et je léchais sa chatte sous l’œil appréciatif de son mari, qui s’astiquait le manche en nous encourageant de quelques commentaires salaces. Après avoir joui une première fois grâce à mes soins, Charlotte me dit, d’un ton suave : « J’ai la snatch qui coule… bourre-la avec ta main ! »
Ce n’était pas la première fois que je pratiquais le fist vaginal – c’est même une de mes spécialités. Voilà pourquoi je garde toujours mes ongles coupés très ras, on ne sait jamais quand on sera appelée à enfoncer sa main dans un orifice complaisant. J’enfilai un gant de nitrile, employai une quantité généreuse de lubrifiant, puis ce fut deux doigts, trois doigts, quatre, cinq et enfin toute ma main que je glissai dans son vagin avec une aisance qui me fit supposer que la dame n’en était pas à sa première dilatation extrême.
C’est alors que se produisit quelque chose d’inusité, quelque chose qui restera gravé pour toujours dans ma mémoire. Charlotte me demanda : «Est-ce que tu veux branler mon mari à l’intérieur de mon vagin ?». Je ne croyais pas qu’une telle chose soit physiquement possible, alors you bet que j’ai dit oui. C’est pourtant ce qui se produisit : j’ai empoigné la bite et l’ai secouée jusqu’à ce qu’orgasme et éjaculation s’en suivent. Pendant toute l’opération, j’étais si stupéfaite et émerveillée qu’une seule pensée traversa mon esprit : «Wow. Jamais je n’aurais songé à mettre ça sur ma bucket list».
Vous connaissez sûrement le concept de bucket list – Hollywood a même produit un film sur le sujet. Il s’agit de la liste de ce que vous désirez ardemment réaliser avant de mourir (« to kick the bucket » en anglais). J’ai écrit la mienne une semaine avant d’avoir vingt ans, si je me fie à mon journal intime. Je viens de la relire et je me trouve touchante de naïveté ; j’avais visiblement à l’époque des idées de grandeur. Ou alors, les dépressions, l’anxiété généralisée et la phobie sociale n’avaient pas encore abimé mon esprit et réduit mes horizons. Je vous la soumets quand même, histoire de rigoler un peu :
□ Écrire un roman ;
□ Faire publier ce roman (idéalement chez Gallimard) ;
□ Recevoir le prix Goncourt (ou le Renaudot, à la rigueur) ;
□ Rencontrer l’amour de ma vie ;
□ Vivre avec elle ou lui dans une maison pleine de chats, de bibliothèques et de portes secrètes.
Presque trente ans plus tard, je constate que je n’ai rien accompli de ce qui se trouve sur cette liste. Soit, je ne manque pas d’amoureux et d’amoureuses, mais « l’amour de ma vie » est un concept auquel je ne souscris plus depuis que j’ai cessé de croire aux contes de fées. Quant au roman… franchement, quel ennui ! Je ne peux pas croire que ce genre soit encore aussi dominant, à une époque où personne n’a le temps de se taper des pages et des pages de descriptions de poignées de porte et de mises en pli avec la raie au milieu. On se surprend ensuite que les lecteurices se font rares, alors qu’on ne cesse de leur refiler des romans comme si rien d’autre n’existait, juste parce que c’est l’idée qu’on se fait de la grande littérature, juste parce que c’est ce qui est valorisé par les institutions littéraires et l’industrie du livre. Il y a tellement d’autres genres plus intéressants à écrire et à lire ! Des recueils de recettes au air fryer, par exemple.
(J’avoue volontiers que je suis trop paresseuse pour écrire des briques de cinq-cents pages. Les orgies dans les split-levels de banlieue, ça bouffe beaucoup de temps et d’énergie, malgré ce qu’on serait tenté de croire.)
Alors les prix, la gloire, les traductions en trente langues, les résidences d’écriture et les sabbatiques pour escalader le Kilimandjaro, il y a longtemps que j’ai décidé de laisser ça aux autres. Les issues secrètes dans mon demi-sous-sol, en revanche, j’y travaille encore activement.
Je me suis donc dit qu’il était grand temps de mettre à jour ma bucket list en l’élaguant et en y ajoutant des objectifs plus réalistes, sachant que je suis maintenant beaucoup plus proche de l’échéance fatale. Ça va comme suit :
□ Rester toujours en équilibre sur le seuil de la pauvreté ;
□ Éviter de me faire pincer pour vol à l’étalage ;
□ Convaincre mon crétin de proprio qu’une issue secrète est une amélioration locative ;
□ Abattre la propriété, l’État, le patriarcat et l’impérialisme ;
☑ Branler une bite à l’intérieur d’un vagin .
J’ai déjà coché un des éléments de la liste. Avouez que c’est prometteur.

À demain pour un autre tercet obscène.
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