Oh ! L’alléchant vit !
Vite que je l’engloutisse
Avant qu’il ne fuie !

Puisque je pensais à Alice au pays des merveilles en écrivant ce senryū, aussi bien en profiter pour vous parler de Lost Girls.
Il s’agit est un roman graphique écrit par Alan Moore et illustré par Melinda Gebbie (qui se sont mariés alors qu’ils travaillaient sur ce projet). L’histoire se déroule dans un hôtel autrichien au début de la Première Guerre mondiale où se rencontrent Alice (d’Alice au pays des merveilles), Wendy (de Peter Pan) et Dorothy (du Magicien d’Oz). Devenues adultes, elles se racontent leurs vies sexuelles. Le roman graphique explore l’éveil sexuel et les façons dont la psyché humaine réagit et se défend contre les effets de l’abus, du chagrin et des pires excès que d’autres peuvent infliger à des êtres innocents. Il s’agit d’histoires troublantes, déchirantes et parfois douloureuses à lire, mais qui, en même temps, sont d’une beauté certaine.

L’histoire de Dorothy commence avec la fameuse tornade qui la conduit à découvrir sa propre sexualité et les excès sexuels autodestructeurs qui l’accompagnent, car elle assouvit ses appétits avec divers ouvriers agricoles représentés par l’épouvantail, l’homme de fer-blanc et le lion poltron. La séduction qu’elle exerce sur son oncle l’amène à devenir le magicien, cet excès final et cette trahison donnant naissance à la méchante sorcière à partir des restes brisés de sa tante.
Le conte d’Alice est beaucoup plus sombre, puisqu’il raconte l’histoire d’une jeune fille de quatorze ans systématiquement agressée sexuellement à l’aide d’alcool et de drogues pour la rendre plus docile, d’abord par le meilleur ami de son père, puis par l’une des professeurs de son pensionnat, qui fait d’elle son esclave sexuelle. Les diverses créatures et prédateurs de sa vie réelle sont transformés dans le récit, comme dans l’histoire de Dorothy, en personnages d’Alice au pays des merveilles, et ils deviennent de plus en plus vivants et surréalistes au fur et à mesure qu’Alice est utilisée, abusée, rejetée et qu’elle finit par sombrer dans sa propre dépression mentale et son internement dans un établissement psychiatrique.

L’histoire de Wendy est, en apparence, plus innocente, puisqu’elle traite de son éveil sexuel aux mains d’un garçon plus âgé qu’elle. Cependant, cette histoire prend une tournure tragique, car elle traite non seulement de l’inceste, mais aussi de la pédophilie. Dans le fantasme de Wendy, le garçon qu’elle découvre « jouant » avec ses amis dans le parc devient l’espiègle Peter Pan, les autres enfants qu’elle rencontre deviennent les garçons perdus et l’homme laid et ombrageux à la main tordue qui les observe depuis les buissons devient le capitaine Crochet.
Le récit est ponctué d’une série de digressions alors que les héroïnes vivent à l’hôtel, deviennent amantes, puis amies et enfin partenaires d’orgie. D’autres histoires s’entremêlent, qui donnent un aperçu des autres clients et du personnel, de leurs propres éveils sexuels et de leurs côtés es plus sombres. Même le mari de Wendy n’est pas épargné, car il est finalement amené à accepter et à embrasser la vérité de ses désirs envers les hommes.
Résolument pornographique, Lost Girls aborde des thèmes extrêmement difficiles et dérangeants qui risquent de vous rendre mal à l’aise. J’ai grincé des dents à plusieurs reprises – même quand ce n’était probablement pas l’intention de Moore et Gebbie – à cause de la fétichisation des hommes noirs et des personnes en situation d’handicap. Si vous êtes en mesure de passer par-dessus tout ça, le livre explore une multitude émotions, allant des profondeurs du désespoir aux hauteurs de l’amour dans sa forme la plus pure.

À demain pour un autre tercet obscène.
Si l’envie vous prend d’appuyer financièrement ce projet, n’hésitez surtout pas à le faire!


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