Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Sept-cent-seizième goutte

Cette garce de
Muse ne m’inspire que
Des gauloiseries.  

Sur le thème du jour, voici un petit texte que j’avais publié sur mon blog vers 2005 (ce qui ne me rajeunit pas). Soyez indulgent·es, c’est une oeuvre de jeunesse.

Inspiration expirée

«Mais où es-tu quand j’ai vraiment besoin de toi, sale traînée?» m’écriai-je après avoir contemplé la blancheur immaculée de mon écran pendant deux heures. C’est alors que j’entendis un drôle de son, un bruit mouillé et obscène provenant du fond de ma chambre. Elle était finalement apparue, vêtue d’un bustier tubulaire constellé de tâches d’origine suspecte et d’une microjupe noire.

Affalée sur mon pouf, la pouffe doigtait négligemment sa fente en tirant une dernière bouffée de sa clope. Les cheveux ébouriffés, les seins pendants et le ventre strié de vergetures, elle me souriait méchamment sans se soucier de sa dent en moins et des mailles dans ses collants.

— Te voilà enfin, grognasse, lui dis-je sur un ton mal assuré. Mais de quoi as-tu l’air ! Tu t’es regardée dernièrement dans le miroir? Comment suis-je censée être inspirée par ça?

— Si ma vue ne te plaît pas, va te faire voir! Je te ferais respectueusement remarquer que tu es loin d’être un sex-symbol toi-même, poupée… me dit-elle en prenant la gomme à mâcher qu’elle avait collé derrière son oreille, pour usage ultérieur.

— Ne sois pas vache, je t’en prie. Je reste assise nuit et jour devant cet ordinateur de malheur. Je viens de terminer une histoire. Je fais ce que je peux. J’écris.

— Tu as terminé ce petit texte il y a une semaine, pauvre gourde. Rester assise devant un clavier ne fait pas de toi une écrivaine. D’ailleurs, aussi bien t’annoncer moi-même la nouvelle avant que les autres s’en chargent: tu n’es même pas une écrivaine. Après avoir tartiné une page de niaiseries et de banalités, tu n’as plus rien à dire.

— Je te demande bien pardon, mais j’ai mon style. Il se trouve que…

— Ton style? Parlons-en, de ton style. Tu n’as pas décrit un personnage correctement depuis des mois! Et tes scènes de sexe sont si elliptiques qu’on se demande parfois si tu ne parles pas d’origami ou de décoration intérieure! La seule chose que tu sais faire, c’est des jeux de mots minables, du genre «pouffe sur un pouf». C’est ça que tu appelles du style? Idiote! Raclure de cul! Même les trisomiques se moquent de ton fameux style!

— Donne-moi une chance, bagasse! pleurnichai-je. Dois-je te rappeler qu’il s’agit d’un partenariat? C’est toi qui en théorie doit me fournir l’inspiration. Je peux savoir à quel moment tu vas enfin te décider d’honorer ta part du contrat ?

— Quatre mots pour toi, connasse : fermer PornTube, ouvrir Word ! cracha-t-elle en riant.

Elle disparut ensuite, dans un cri de ménade au bord de l’orgasme, ne laissant derrière elle qu’une vague odeur de marijuana, de sueur et de parfum bon marché, ainsi qu’un cerne huileux en forme de demi-lune sur mon pouf.

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