Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Six-cent-quatre-vingtième goutte

Le Bordel des Muses
Brûlé en même temps que
Claude Lepetit. 

Rares sont les auteurs de littérature érotique qui ont payé de leur vie pour leur production obscène. C’est le cas du poète Claude Le Petit a été brûlé à Paris en 1662 pour les «vers et la prose pleins d’impiétés et de blasphèmes, contre l’honneur de Dieu, de la Vierge et de l’État » contenus dans son livre Le Bordel des Muses. Il avait alors 23 ans.

Bien qu’il ait fui à l’étranger dans sa jeunesse pour échapper à la garde des Jésuites, Le Petit était de retour à Paris pour étudier le droit lorsqu’il prit la plume pour dénoncer les scandales du régime monarchique français. Il est surtout connu pour Le Bordel des Muses, un recueil de soixante-treize courts sonnets, chansons et autres anecdotes, ainsi que pour cinq grands textes humoristiques sur plusieurs capitales européennes qu’il a visitées: Paris Ridicule, Madrid Ridicule, Londres Ridicule, Vienne Ridicule et Venise Ridicule.

L’anonymat permettait à Le Petit d’être obscène, mais surtout de se moquer des puissants, s’étendant même au souverain et aux institutions qui soutenaient son autorité. Ces propos subversifs le rendait bien plus dangereux aux yeux de l’absolutisme français qu’un simple pornographe, comme dans les deux pièces qui ont survécu qu’il a écrites contre l’exécution de Jacques Chausson en 1661, condamné pour sodomie (dont voici la première):

Si l’on brûlait tous ceux
Qui font comme eux
Dans bien peu de temps hélas
Plusieurs seigneurs de France
Grands prélats d’importance
Souffriraient le trépas.

Savez-vous l’orage qui s’élève
Contre tous les gens de bien?
Si Chausson perd son procès en Grève,
Le cu ne servira plus de rien.
Si Chausson perd son procès en Grève,
Le con gagnera le sien.

Je suis ce pauvre garçon
Nommé Chausson
Si l’on m’a rôti
À la fleur de mon âge
C’est pour l’amour d’un page
Du prince de Conti.

Si le bougre D’Assouci.
Eût été pris
Il aurait été rôti
Tout au travers des flammes
Comme ces deux infâmes
De Chausson et de Fabri.

Claude Le Petit fut lui-même brûlé en place de Grève le 1 septembre 1662, officiellement à cause du Bordel des Muses qui n’était pourtant destiné qu’à ses plus proches amis. Il semble qu’une descente de police chez l’éditeur fit découvrir ses écrits dont certains critiquaient la vie des souverains de l’époque. Suite à cela, il fut arrêté chez lui et jugé. Il fit appel du jugement, mais le jugement fut confirmé, le seul adoucissement de sa peine étant de lui accorder d’être garroté (donc étranglé) avant d’être brûlé.

Terminons en lisant le Sonnet foutatif qui inaugure le livre qui fut brûlé en même temps que son malheureux auteur.

Foutre du cul, foutre du con,
Foutre du ciel et de la Terre,
Foutre du diable et du tonnerre,
Et du Louvre et de Montfaucon.

Foutre du temple et du balcon,
Foutre de la paix, et de la guerre,
Foutre du feu, foutre du verre,
Foutre de l’eau et de l’Hélicon.

Foutre des valets et des maistres,
Foutre des moines et des prestres,
Foutre du foutre et du fouteur.

Foutre de tout le monde ensemble,
Foutre du Livre et du Lecteur,
Foutre du sonnet, que t’en semble ?

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