Les docteurs branlaient
Ma grand-maman pour traiter
Son anxiété.

C’est un fait historique depuis longtemps établi: les médecins ont inventé le vibromasseur après s’être lassés de masturber les femmes dites hystériques. C’est du moins ce que raconte Rachel Maines dans The Technology of Orgasm: « Hysteria, » the Vibrator, and Women’s Sexual Satisfaction
Pour l’élite médicale scientifique et éclairée du xixe siècle, stimuler le clitoris n’était pas de la masturbation – ce n’était même pas sexuel. La stimulation clitoridienne était le remède palliatif d’une maladie. Dans son ouvrage The Sexual Impulse in Women, le médecin britannique Havelock Ellis estimait que près de 75 % des femmes souffraient d’hystérie, une maladie dont les symptômes allaient des maux de tête aux crises d’épilepsie en passant par un langage grossier. Presque tous les comportements d’une femme pouvaient être considérés comme de l’hystérie. Le remède numéro un – depuis l’invention de la maladie dans la Grèce antique – était le massage pelvien.

À l’époque victorienne, les femmes n’étaient pas censées ressentir de désir sexuel. L’hystérie est donc devenue une maladie complètement distincte de la sexualité. L’orgasme a même été rebaptisé; si une femme devenait rouge et heureuse à la suite de son massage pelvien, on disait qu’elle avait subi un «paroxysme hystérique». Les médecins s’entouraient ainsi de la croyance réconfortante que seule la pénétration était sexuellement stimulante pour les femmes. Le spéculum et le tampon ont pour cette raison été à l’origine plus controversés dans les cercles médicaux que ne l’a été le vibromasseur. Si une femme souhaitait que son clitoris soit stimulé, elle était manifestement atteinte d’hystérie, ou du moins c’est ce qu’affirmait la théorie. Le seul remède consistait à stimuler ce clitoris jusqu’à ce qu’elle ne veuille plus être stimulée. Bien entendu, ce remède ne fonctionnait que pendant un certain temps, et les hystériques étaient des clientes régulières et très lucratives.
Rachel Maines raconte dans son livre que les médecins détestaient traiter l’hystérie, car ils se plaignaient de crampes dans les mains et leurs doigts étaient fatigués. Les médecins ne semblent pas plus désireux de s’atteler à la tâche de produire l’orgasme chez les femmes que ne l’étaient les partenaires sexuels qui les envoyaient en thérapie. Tout moyen d’accélérer le paroxysme hystérique était recherché avec empressement. Le premier vibromasseur mécanisé utilisait une manivelle. Et avant que les villes ne commencent à mesurer la consommation d’eau, il y eut une brève vogue pour les vibrateurs domestiques alimentés par une roue à eau miniature reliée à un évier.

Mortimer Granville est l’inventeur premier vibrateur à piles au début des années 1880, bien qu’il ait précisé que son appareil ne devait pas être utilisé sur le clitoris : «J’ai évité et je continuerai à éviter de traiter les femmes par percussion, simplement parce que je ne veux pas être trompé, et aider à tromper les autres, par les caprices de l’état hystérique ou les phénomènes caractéristiques de la maladie mimétique», a-t-il écrit en 1883. Plutôt que de simuler des orgasmes, Granville pensait que les femmes simulaient une maladie pour avoir des orgasmes.

À demain pour un autre tercet obscène.
Si l’envie vous prend d’appuyer financièrement ce projet, n’hésitez surtout pas à le faire!


Participez à la discussion !