Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Quatre-cent-quatre-vingt-sixième goutte

Perdre haleine fut
Rédigé d’un seul trait et
D’une seule main.

Encore aujourd’hui, je vous refile un extrait d’un de mes bouquins. On fait sa pub comme on peut quand on est écrivaine.

[…] parce que la masturbation, c’est comme n’importe quoi, ça comporte un aspect technique qu’il faut apprendre à maîtriser, comme jouer d’un instrument de musique tiens, disons que je voudrais apprendre à jouer de la guitare basse, je pourrais très bien me contenter de faire vibrer continuellement ma grosse corde et jouer toujours les trois mêmes notes boum boum boum et ce serait parfaitement adéquat et assez pour jouer du blues, mais je pourrais aussi essayer de varier les techniques, apprendre des gammes et all that jazz jusqu’à devenir une experte basseuse qui n’a pas peur de sortir son instrument en public pour basser en solo devant la foule en délire, ce qui n’aurait rien changé au fait que de se borner aux trois notes peut être satisfaisant dans presque toutes les circonstances et ainsi totalement valide, enfin bref, là où je veux en venir, c’est que j’aurais pu me branler toute ma vie de la même façon sans ressentir la moindre frustration, mais que changer de partition une fois de temps en temps ne fait jamais de tort et que l’équivalent autoérotique de jouer de la basse sur une seule corde est évidemment d’utiliser mes doigts, c’est la méthode la plus simple et la plus expéditive, car un doigt s’activant avec juste la bonne pression sur le cadran supérieur droit de mon clitoris, voilà tout ce que ça me prend pour m’envoyer au septième ciel, si bien que « doigt-en-haut-du-clito », c’est en quelque sorte l’aliment de base de ma vie sexuelle, mes sept à huit portions quotidiennes de légumes – ou la dizaine de tasses de café que je me tape chaque jour juste pour que l’existence soit supportable – bref, les doigts sur la fente, c’est l’ordinaire nourricier, c’est le pain et le beurre et c’est d’ailleurs pourquoi les ongles longs, postiches, acryliques et tout le tintouin, très peu pour moi, une coupure sur le clito est si vite arrivée et puis c’est un fait avéré que les ongles courts sont le signe distinctif et la poignée de main secrète de la Sororité Internationale des Branleuses Impénitentes (nous sommes légion, nous ne pardonnons pas et nous n’oublions pas – de nous pétrir quotidiennement la brioche), d’ailleurs en tant que membre émérite de cette obscure société secrète j’ai rituellement consacré un de mes doigts à l’usage (presque) exclusif de mon passe-temps préféré, ce cher, ce tendre, ce doux index de ma main droite et je me souviens avec douleur de l’époque amère où, fracturé, il est resté pendant des semaines immobile dans son attelle, quel supplice ce fut, car lui seul est le maître des monologues rythmiques et frictionnels, lui seul sait éventrer les digues entravant mon plaisir avec ses glissements saccadés, mon équilibre mental tout entier repose sur sa phalangette quand, pendant les quelques secondes où tous ont le dos tourné, il plonge, net et précis, pour que la tension jaillisse hors de moi dans un spasme libérateur, si bien que je prie les anges, les saints et Lucifer que l’arthrite emporte tous les autres, mais le laisse pour toujours avec moi, qu’il continue à me satisfaire, car rares sont mes partenaires, tant hommes que femmes, qui ont su me caresser avec autant de précision et d’efficacité que moi-même, ma méthode est infaillible, surtout quand […]

À demain pour un autre tercet obscène.

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