Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Quatre-cent-huitième goutte

Je lis sous les draps
Le doux Manteau de fou rire
De Nelly Kaplan.

Au temps de son film La Fiancée du pirateNelly Kaplan prit le pseudonyme de Belen pour écrire les Mémoires d’une liseuse de drap. Publié en 1974, le roman raconte la vie rocambolesque d’une baroudeuse à la vie sexuelle mouvementée.

La narratrice, abandonnée par sa mère, est élevée sur le Sperma, bateau dont son père est le capitaine: « Mon premier souvenir: les barbes salées de l’équipage complet du Sperma penché sur mon berceau, essayant de me nourrir avec des bâtonnets de lait condensé solidifié ». Ces bâtonnets, dits sucettes Suzy, et la cargaison de mille neuf cent dix-sept bananes que le Sperma amène aux mille neuf cent dix-sept habitants d’une des îles des Galapagos, sont le prétexte d’un déluge de plaisanteries phalliques. La fillette passe son enfance à nager parmi les requins, à se faire lécher par son lionceau Gruffy et à regarder les hommes d’équipage se masturber à l’aide de Dolly Lastex, une femme de plastique « grandeur nature avec des yeux de cristal vert et une bouche à pile ». Devenue adulte, son père l’installe dans une maison à Amsterdam, où il la déflore lui-même avant d’être tué par les bandits de José Acero.

Elle embarque sur un bateau pour la mer de Chine et arrive à Shanghai où elle est nommée surveillante en chef des soixante-neuf chambres du Palais Obsexuel. Elle connait l’amour des femmes, des hommes, et « la caresse amoureuse du serpent ». Elle devient « pâle et rayonnante», ce qui l’amène à poser cette question: « est-ce le phosphore du sperme qui donne aux jeunes femmes nues cette sorte de halo à la limite du visible, qui semble les habiller comme un préservatif mystique ? »  C’est alors qu’elle découvre son étonnant pouvoir surnaturel de lire l’avenir dans les taches de sperme laissées sur les draps par les clients du Palais Obsexuel après leurs activités copulatoires. On vient alors la consulter de toutes parts.

L’héroïne part ensuite pour Ispahan et y devient la maîtresse du prince Abli Aba, de la dynastie Kadjar; elle rend ensuite à Buenos Aires, fait l’amour avec José Acero, le meurtrie son père – et l’égorge au moment où il éjacule. Enfin, elle est à Paris, admise dans la secte des Vampires, dont les chefs sont Angec (Gance, dont Kaplan fut l’assistante), « tonnant vampire solaire», et Norteb (Breton, avec qui elle a entretenu une amitié passionnée), «le chasseur de feu».

Sans surprise, le roman fut interdit par la censure et privé de diffusion. Même aujourd’hui, l’inceste et la zoophilie traitée sur le ton de la drôlerie et de la provocation causerait un scandale. Il fut réédité en 1998 sous un nouveau titre (Un manteau de fou rire), sous son propre nom plutôt que sous pseudonyme.

À demain pour un autre tercet obscène.

Si l’envie vous prend d’appuyer financièrement ce projet, n’hésitez surtout pas à le faire!

Vous désabonner

Participez à la discussion !

En savoir plus sur Mille gouttes opalines

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture