Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Quatre-cent-unième goutte

Entre tes deux cuisses
Cette prairie parfumée
Source des plaisirs.

Ce senryū fait référence à La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs d’Abou-Abdallah Mouhammad al-Nafzâwî. 

On ne sait pas grand-chose du cheikh Nafzâwî, sinon qu’il vécut en Tunésie et qu’il composa, à la demande expresse du sultan de Tunis vers 1420 la plus célèbre des œuvres érotiques arabe. La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs (al-Rawd al-’âtir fî nuzhat al-khâtir) est un manuel d’érotologie, un livre d’enseignement écrit par un homme et destiné aux hommes. La leçon peut se résumer ainsi : le plaisir masculin ne s’entend pas sans celui des femmes et Dieu n’en est pas jaloux. J’en veux pour exemple ce conseil :

« Ne conjoins la femme qu’après avoir badiné avec elle, jusqu’à ce que son eau soit près de descendre. Ce qui permettra la réunion de son eau avec la tienne, provoquant son plaisir. Il est préférable d’agir ainsi, ton corps se trouvant plus à l’aise dans ces conditions, la saveur chez elle devenant plus exquise – et la santé de son corps y gagnant. Quand tu auras obtenu ce que tu voulais, ne te lève pas aussitôt pour la quitter. Tu te sépareras d’elle avec douceur, retirant ton instrument après qu’il a fini sa tâche. Descends sans hâte de dessus elle du côté droit. Auparavant tu lui enjoindras d’étendre ses jambes, de serrer ses cuisses sur l’instrument afin qu’il se retire bien sec, en passant par un orifice étroit. Tu le dégaineras d’elle peu à peu. Enfin elle prendra une serviette souple et l’essuiera avec précaution.

Si la femme éprouve de l’affection pour l’homme, elle embrassera son époux après la fin de l’opération, lui manifestera sa joie de le voir auprès d’elle, à cause du plaisir qu’elle aura tiré de sa rencontre avec lui. Alors l’amour que l’homme porte à la femme s’intensifiera dans son cœur. Il n’y a d’aide véritable que celle qui vient de Dieu. »

On trouve pêle-mêle, dans la Prairie parfumée, des considérations sur l’art de la séduction, une discussion sur les différentes formes et tailles des organes génitaux masculins et féminins, des conseils sur les différentes façons de « conjoindre », la liste des mets qui incitent à l’amour et surtout des contes fortement érotiques dont la liberté de ton est inconnue en Occident à la même époque et qu’on n’y retrouvera que trois cents, voire quatre cents ans plus tard. Alors que dans la chrétienté l’amour charnel, frappé par le sceau du péché originel, est considéré comme un mal nécessaire à la reproduction de l’espèce, le cheikh Nafzâwî présente la sexualité, en accord avec les paroles du prophète, comme un don de Dieu à ceux et celles qui s’aiment. Il est plus que réjouissant de découvrir en l’Islam une voie où la copulation, qu’elle mène ou non à la procréation, est licite et même encensée. Disons que ça change de la haine et de l’hystérie que les médias nnous refilent quotidiennement au sujet de cette religion, de la part de commentateur·trices qui ne se donne jamais la peine de comprendre sur quoi iels vomissent.

À demain pour un autre tercet obscène.

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