Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Trois-cent-quatre-vingt-onzième goutte

Le sexe anal n’est
Pas en soi un geste de
Domination.

Le langage commun est profondément marqué par de très anciennes (et très patriarcales) conceptions qui concernent la pénétration en générale et le sexe anal en particulier. Quand quelqu’un s’est fait salement avoir, il n’est pas rare d’entendre dire qu’il « s’est fait baiser », qu’il « s’est fait fourrer » ou qu’il « s’est fait entuber ». La personne pénétrée est ainsi dominée, alors que la personne qui pénètre domine.

Soldat japonais shunga de la guerre russo-japonaise (représentant le Japon) sodomisant un soldat russe (représentant la Russie) ; allégorie de la défaite de la Russie (c.1910) par inconnu

Cette idée reçue en ce qui concerne la pénétration n’est peut-être pas vieille comme le monde, mais elle est vieille comme le patriarcat. L’homme-dominant pénètre et la femme-dominée est pénétrée. Si un homme se fait pénétrer, il est nécessairement relégué au rang infamant de la femme.

Ainsi, dans la Rome antique, la sexualité anale était ouvertement pratiquée, mais toujours entre un homme dominant et une personne qui lui était socialement inférieure : son épouse, lors de la nuit de noces, un esclave, un simple soldat quand on est officier, un garçon dont on est le mentor et qu’on introduit dans la société dans une relation de mentorat. Dans sa Satyre IX, Juvénal fait parler un client qui se désole du renversement des rôles avec un patron qui exige de se faire enculer. Pour le satiriste, il s’agit d’un exemple de dégénérescence des mœurs. Si les hommes qui dirigent l’empire deviennent si faibles au point de se laisser enculer, où allons nous?

Les attitudes commencent lentement de nos jours à évoluer et les hommes hétérosexuels commencent à explorer le potentiel érotique de leur anus et de leur prostate. Le stigmate reste toutefois encore très présent, surtout auprès des franges les plus réactionnaires de la société – mais pas que. Souvenez-vous de la fameuse quenelle de Dieudonné, qui était peut-être une parodie de salut romain, mais qui était surtout une allusion au sexe anal, un « va tu faire enculer » viriliste que l’extrême-droite servait à ses adversaires, avec une main qui indiquait la longueur de bras que ces fachos avaient l’intention d’enfoncer dans les postérieurs de leurs ennemis, ces sous-hommes efféminés.

Messieurs, si vous avez envie de connaître de nouveaux plaisirs, oubliez toutes ces balivernes et explorez le sexe anal sans arrière-pensée. Être pénétré n’est pas en soi être dominé et si ça se trouve, en adopter la pratique sera une contribution à démanteler un préjugé plurimillénaire.

À demain pour un autre tercet obscène.

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