N’être que l’objet
Des désirs d’autrui étouffe
Mes propres désirs.

Je ne dis pas que ce n’est jamais chouette de se sentir désirée et je suis d’accord avec Mae West lorsqu’elle disait (dans cette mauvaise traduction qui est la mienne), qu’il vaut mieux être zieutée qu’ignorée.

Un objet peut-il toutefois être désirant? N’être que le réceptacle des désirs des autres ne réduit-il pas à l’extrême notre potentiel e production de nos propres désirs – et surtout, n’est-ce pas le rôle sexuel assigné aux femmes depuis toujours par le patriarcat?
Qu’est-ce qui est le plus important dans un fantasme sexuel : avoir un partenaire sexy ou être soi-même perçu comme sexy ? Ça dépend en gros de votre identité de genre, selon un article publié en 2015 dans Archives of Sexual Behavior.
La perception de soi comme étant désirable pour les autres – appelée «conscience de soi comme objet de désir» – a été évaluée dans cette étude de plusieurs manières. Selon Anthony Bogaert, psychologue à l’université Brock, et ses collègues, que ce soit par le biais de questionnaires sur la sexualité, de tâches consistant à compléter des phrases ou de descriptions ouvertes de fantasmes, cette conscience de soi était plus présente dans les réponses des femmes hétérosexuelles que dans celles des hommes en général.
Dans les fantasmes des hommes, ils parlent de l’autre personne. Lorsqu’il s’agit d’un fantasme féminin, la femme décrit ce qu’elle porte et à quoi elle ressemble. Un fantasme typique peut commencer par la lingerie en dentelle d’un sujet ou la hauteur de ses talons.
La focalisation sur soi peut être plus forte dans les fantasmes des femmes, en partie parce qu’elles ont été socialisées à être plus réceptives en ce qui concerne la sexualité. L’excitation et l’intérêt commencent à se manifester, dans une certaine mesure, après avoir été initiés par d’autres. Cette objectivation est omniprésente dans notre culture où les femmes sont projetées comme des objets de désir et où leur corps est le point focal continuel de l’intérêt. Il n’est donc pas surprenant que ce concept finit par être intériorisé jusqu’à occuper une place centrale dans les scénarios et les fantasmes sexuels des femmes.
Comme je l’écrivais dans Perdre haleine :
… tout mon imaginaire, tout mon paysage mental est tordu, pollué non seulement par mon éducation, mes expériences personnelles, mais aussi par tous les messages que la société a insidieusement plantés dans mon esprit et qui ont défini mes conceptions de ce que sont les femmes, ce que sont les hommes, de ce que je trouve érotique, attirant, excitant et même de ce que je considère comme une activité sexuelle normale ou déviante, c’est désolant de constater que mon esprit m’appartient si peu, qu’il est rempli à ce point de merdes patriarcales et de produits de consommation bon marché, ossetie j’en arrive parfois à me dire que non seulement mes fantaisies masturbatoires, mais aussi mon œuvre d’écrivaine de mes deux (ovaires) n’est qu’une régurgitation des structures idéologiques qui gouvernent la société dans laquelle je vis, cette camisole de force mentale qui fait de moi une citoyenne utile, désarmée, pacifiée, et le fait que je n’arrive presque jamais à m’en défaire en dit long sur le peu de souveraineté que j’exerce sur moi-même, sur les plus secrètes et intimes de mes pensées, parce que finalement on ne peut désirer que sur la base de ce qu’on connaît, ce qui fait que je me retrouve souvent avec des désirs qui servent davantage les dispositifs du pouvoir que mes propres intérêts…

À demain pour un autre tercet obscène.
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