Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Deux-cent-quatre-vingt-dix-huitième goutte

Il a bâti un
Accumulateur d’Orgone
Dans son garde-robe.

Wilhelm Reich (1897-1957) est un médecin, psychiatre et psychanalyste et (dans ce qui nous concerne aujourd’hui), pseudoscientifique adepte de théories aussi fumeuses que réjouissantes.

Même si on se souvient davantage de lui comme le type qui pensait pouvoir disperser les nuages (comme dans la chanson de Kate Bush), Reich est le premier penseur freudo-marxiste qui, particulièrement dans Psychologie de masse du fascismea présenté la libido comme une énergie dont les nombreux blocages émotionnels des individus (l’armure caractérielle) empêchent la bonne circulation. Ce processus de «blindage» qu’il caractérise comme une «maladie humaine universelle», expliquerait selon lui toutes les dérives autoritaires du XXe siècle.

Cette énergie bloquée par nos armures caractérielle, Reich la nomme Orgone. Pour lui, tout est énergie; chaque chose, chaque être vivant et minéral, émet de l’énergie, qui peut peut ainsi être spirituelle (comme l’Amour) ou physique (comme la sexualité). Étant (ou se croyant) un homme de science, Reich s’attelle à des expériences en laboratoire où il découvre que les matières organiques attirent et retiennent l’énergie, tandis que les métaux la réfléchissent. Expériences qui supposent donc le fait que l’énergie de l’Orgone soit non seulement présente dans le corps humain mais également dans l’atmosphère.

Par conséquent, selon Wilhelm Reich, l’énergie de l’Orgone est une énergie cosmique primordiale, libre de toute masse et circulant à travers chaque organisme comme une force vitale. Elle se caractérise par le mouvement, la pulsation, le rayonnement et la superposition. Autrement dit, l’Orgone est tout simplement le socle du processus de la vie.

On peut se débarrasser de ses blocages par la psychanalyse, mais puisqu’on parle d’énergie, pourquoi ne pourrait-on pas régler le problème par la technologie? Reich, réfugié aux États-Unis, crée alors les premiers accumulateurs d’Orgone pour soigner des personnes atteintes du cancer, car pour lui, la maladie est induite par un blocage de l’énergie vitale dans un corps. Les accumulateurs d’Orgone prenaient la forme de boîtes faites en bois et en métal qui supposément accumulaient et transmettaient l’Orgone. Les patients devaient s’y asseoir pour se soigner.

Les théories proposées par Wilhelm Reich n’ont évidemment pas plus à tout le monde. Ses travaux sur les patients cancéreux et les accumulateurs d’Orgone ont font l’objet d’articles de presse très négatifs qui mettent la puce à l’oreille de la Federal Drug Administration (FDA) qui enquête et dépose en 1954 une plainte et demande une injonction contre Reich, l’accusant d’avoir violé la loi sur les aliments, les médicaments et les cosmétiques (Food, Drug, and Cosmetic Act) en livrant des dispositifs mal étiquetés et falsifiés dans le commerce interétatique et en faisant des déclarations fausses et trompeuses. La FDA a qualifié les accumulateurs d’imposture et l’énergie de l’Orgone d’inexistante. Un juge a émis une injonction ordonnant la destruction de tous les accumulateurs loués ou possédés par Reich et les personnes travaillant avec lui, ainsi que la destruction de toutes les étiquettes faisant référence à l’énergie d’Orgone. Reich ne se présente pas en personne au tribunal et se défend par lettre.

Deux ans plus tard, Wilhelm Reich est emprisonné pour outrage à l’injonction, la condamnation étant fondée sur les actes d’un associé qui n’a pas respecté l’injonction et possède toujours un accumulateur. Le 3 novembre 1957, il meurt dans sa cellule de prison d’une insuffisance cardiaque. Dans son testament, Wilhelm Reich ordonne que ses œuvres soient scellées pendant cinquante ans, dans l’espoir qu’un jour le monde sera mieux à même d’accepter ses merveilleuses machines – dont l’efficacité reste encore de nos jours à prouver.

À demain pour un autre tercet obscène.

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