Le garçon boucher
Sait exactement comment
Attendrir ma chair.

« Qui a dit que la chair est triste ? […] la chair est notre guide, notre lumière noire et dense, le puits d’attraction où notre vie glisse en spirale, sucée jusqu’au vertige ».

J’avais 15 ans quand j’ai lu Le Boucher d’Alina Reyes. Je l’avais volé dans la bibliothèque des parents d’une amie, parce que la couverture me semblait prometteuse, que nous étions à une époque pré-internet et qu’il fallait bien que je me m’éduque – ou que je me branle, puisque c’était la motivation non-avouée de mon larcin.
Dans ce (très) court roman d’à peine 90 pages, une toute jeune femme, menue, à la voix douce, tient la caisse dans une boucherie. Le boucher qui l’emploie lui parle de sexe toute la journée et lui fait des avances très peu professionnelles :
« Tu verras comme je prendrais soin de toi… J’ai les mains habiles, tu sais, Et la langue longue, tu verras. »
Elle le surprend une fois dans la chambre froide avec la bouchère, son épouse :
« La bouchère s’était agrippée des deux mains à deux gros crochets de fer au-dessus d’elle, comme on le fait dans le métro ou dans le bus pour garder l’équilibre. Sa jupe était remontée et roulée autour de la taille, découvrant ses cuisses et son ventre blanc, avec la touffe noire qui, de profil faisait une tache en relief. Derrière elle se tenait le boucher, le pantalon aux pieds et le tablier entortillé autour de la ceinture, la chair débordante. »
Le boucher n’est pas à priori des plus ragoûtants, et pourtant la narratrice ne pourra résister à son charme si particulier:
« J’eus envie de lui. Il était laid, avec son gros ventre moulé dans le tablier taché de sang. Mais sa chair était aimable. »
Leurs ébats s’étalent ensuite sur une vingtaine de pages, dans une succession de scènes d’un érotisme torride où se mêlent les sexes, le sang et la tripaille.
Le style impeccable de ce roman en a fait l’œuvre érotique marquante de la fin des années quatre-vingt. Évidemment, il a les défauts de son époque, principalement de véhiculer l’idée que les femmes aiment en secret le harcèlement sexuel qu’elles subissent au travail. Reste que ce livre mérite encore d’être lu – et il est si court que je vais arrêter d’en parler ici, de crainte que ma recension soit plus longue que l’œuvre elle-même !

À demain pour un autre tercet obscène.
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