Deux cents coups de brosse 
Sur le cul avant dodo
Routine du soir.

Ce senryū est – si vous ne l’avez pas deviné – une référence à un roman qui a scandalisé l’Italie il y a vingt ans intitulé Cent coups de brosse avant d’aller dormir (100 colpi di spazzola prima di andare a dormire).

Bien que le roman fut descendu en flammes par la critique, il connut un succès de librairie retentissant. Rédigé sous forme de journal intime, dans lequel la protagoniste déverse ses émotions en décrivant avec précision ses journées, le texte se limite presque complètement à une séquence de petites et brèves expériences sexuelles décrites de manière explicite.

Le livre s’ouvre à Catane, en Sicile (mais le lieu est évoqué plus tard). Melissa est sur le point d’avoir quinze ans et confie à son journal son mal de vivre, qu’elle n’arrive à soulager que par la masturbation.

Un soir, Melissa rencontre Daniele, un garçon de dix-huit ans, avec lequel elle vit sa première expérience sexuelle : une relation orale, dont la magie est détruite par son comportement grossier. Lorsque Melissa exprime son désir d’être pénétrée, il la repousse avec dérision, avant d’accepter huit mois plus tard.

Par la suite, les deux se rencontrent régulièrement et ont des relations froides, presque mécaniques, qui finissent par la convaincre de larguer le garçon et d’offir son corps à quiconque le le demande, dans l’espoir que quelqu’un finisse par remarquer la soif d’amour qui l’habite. Ainsi, à l’insu de sa famille (décrite comme oppressante dans ses confrontations et absente à la fois), elle entame une série de relations fugaces, dans lesquelles elle semble se laisser utiliser sans éprouver d’attirance ou de véritable plaisir, alors que c’est elle qui domine réellement la situation : Roberto (un compagnon d’école qui l’entraîne dans rapporti a cinque), Letizia (une jeune lesbienne), un couple d’homosexuels et Fabrizio, un père de famille respectable et habitué de forums en ligne sexuels.

Melissa commence également à fréquenter un jeune homme de 27 ans, Valerio, qui lui donne des cours de mathématiques. Fascinée par le garçon, Melissa décide de le séduire et d’entamer également une relation sexuelle avec lui, persuadée d’avoir enfin trouvé quelqu’un capable d’apprécier sa passion. Un soir, Melissa a demandé à Valerio de l’amener à l’endroit où ils avaient eu leur première relation sexuelle. Valerio la sodomise contre un mur avant de la ramener à la maison et Melissa se rend compte qu’il est lui aussi comme tous les autres : il l’appelle Lolita, comme le personnage célèbre du livre de Nabokov, et au-delà du sexe, il ne voit rien d’autre en elle.

Après l’avoir plaqué lors d’une des nombreuses orgies dans un club où il l’emmenait avec ses amis, il la jette sans trop y penser. C’est alors que Melissa rencontre Claudio, qui s’avère gentil et doux. Maintenant âgée de 16 ans, Melissa a trouvé ce qu’elle cherchait depuis si longtemps dans les salles obscures et les placards, avec des hommes inconnus, jeunes et vieux: l’amour.

Vous allez me dire que c’est une histoire somme toute banale pour un roman érotique et vous avec tout à fait raison. L’intérêt du roman est surtout la réaction qu’il a suscité. Lorsque Melissa Panarello, son autrice, est passée à la télévision pour mousser les ventes de son livre, elle n’avait que seize ans et venait d’une des régions les plus catholiques et conservatrices d’Italie. Elle parlait ouvertement de sexe de groupe, de fantasmes de viol et surtout, de sexualité adolescente, ce qui a causé un immense scandale.

Vingt ans plus tard, elle résume ainsi le propos du livre:

« Le sexe est la partie qui ressort le plus, mais pour moi, cela a toujours été un roman sur la solitude et l’incapacité à se sentir proche des autres, une condition courante de l’adolescence, – et sur le sentiment de rejet et d’absence d’amour. C’était mon intention, puis les lecteurs de l’époque ont pris ce qu’ils voulaient. Aujourd’hui, peut-être que les gens sont plus à même d’en saisir le sens véritable.»

À demain pour un autre tercet obscène.

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