Mille gouttes opalines

Un senryū érotique chaque matin, pendant mille jours

Cent-quarante-quatrième goutte

Des queues dans les mains
Une au con, une à la bouche
Une entre les reins.

Dans son livre du même nom paru en 2001, Catherine Millet nous décrit froidement et cliniquement sa vie sexuelle – en particulier ses expériences de vétéran de orgies et gang-bangs parisiens:

Dans les plus vastes partouzes auxquelles j’ai participé, à partir des années qui ont suivi, il pouvait se trouver jusqu’à cent cinquante personnes environ (toutes ne baisant pas, certaines venues là seulement pour voir), parmi lesquelles on peut en compter environ un quart ou un cinquième dont je prenais le sexe selon toutes les modalités: dans les mains, dans la bouche, par le con et par le cul. Il m’arrivait que j’échange des baisers et caresses avec des femmes, mais cela restait secondaire dans les clubs, la proportion était beaucoup plus variable en fonction de la fréquentation bien sûr, mais aussi des usages de l’endroit – j’y reviendrai.

L’estimation serait encore plus difficile à faire pour les soirées passées au Bois: ne faudrait-il prendre en considération que les hommes que j’ai sucés, la tête coincée contre leur volant, ceux avec qui j’ai pris le temps de me déshabiller dans la cabine d’un camion, et négliger les corps sans tête qui se relayaient derrière la portière de la voiture, secouant d’une main folle leur queue diversement raide, tandis que l’autre main plongeait par la vitre ouverte pour malaxer énergiquement ma poitrine? Aujourd’hui je suis capable de comptabiliser quarante-neuf hommes dont je peux dire que leur sexe a pénétré le mien et auquel je peux attribuer un nom ou du moins dans quelques cas une identité. Mais je ne peux chiffrer ceux qui se confondent dans l’anonymat. Dans les circonstances que j’évoque ici, et même s’il y avait, dans les partouzes, des gens que je connaissais ou reconnaissais, l’enchaînement et la confusion des étreintes et des coïts étaient tels que si je distinguais les corps ou plutôt leurs attributs, je ne distinguais pas toujours les personnes.

Et même lorsque j’évoque les attributs je dois avouer que je n’avais pas toujours accès à tous; certains contacts sont très éphémères et, si je pouvais les yeux fermés reconnaître une femme à la douceur de ses lèvres, je ne la reconnaissais pas forcément à des attouchements qui pouvaient être énergiques. Il m’est arrivé de ne réaliser qu’après coup que j’avais échangé des caresses avec un travesti. J’étais livré à une hydre. Cela, jusqu’à ce que Éric se détache du groupe pour venir m’en dégager, ainsi qu’il le dit lui-même, «comme un noyau de sa coque».

À demain pour un autre tercet obscène.

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