Mon imaginaire
Amoureux corrompu par
Le patriarcat.


Extrait de Perdre Haleine, phrase autoérotique (2020):
« …ça me rappelle que tout mon imaginaire, tout mon paysage mental est tordu, pollué non seulement par mon éducation, mes expériences personnelles, mais aussi par tous les messages que la société a insidieusement plantés dans mon esprit et qui ont défini mes conceptions de ce que sont les femmes, ce que sont les hommes, de ce que je trouve érotique, attirant, excitant et même de ce que je considère comme une activité sexuelle normale ou déviante, c’est désolant de constater que mon esprit m’appartient si peu, qu’il est rempli à ce point de merdes patriarcales et de produits de consommation bon marché, ossetie j’en arrive parfois à me dire que non seulement mes fantaisies masturbatoires, mais aussi mon œuvre d’écrivaine de mes deux (ovaires) n’est qu’une régurgitation des structures idéologiques qui gouvernent la société dans laquelle je vis, cette camisole de force mentale qui fait de moi une citoyenne utile, désarmée, pacifiée, et le fait que je n’arrive presque jamais à m’en défaire en dit long sur le peu de souveraineté que j’exerce sur moi-même, sur les plus secrètes et intimes de mes pensées, parce que finalement on ne peut désirer que sur la base de ce qu’on connaît, ce qui fait que je me retrouve souvent avec des désirs qui servent davantage les dispositifs du pouvoir que mes propres intérêts, les désirs ne pouvant changer que si on change les relations sociales qui les produisent et ça, c’est un querisse de cercle vicieux parce qu’il faut avoir expérimenté la liberté pour désirer la liberté (et ainsi devenir libre), or le temps et l’espace de l’ordre social étouffent toute expérimentation qui ne va pas dans le sens de l’accumulation du capital, a fortiori l’expérience de la liberté, et on ne peut donc imaginer de nouvelles relations avec ses semblables et avec soi-même, de nouvelles façons de vivre, qu’en transgressant les impératifs du temps et de l’espace sociaux, bref, je suis de plus en plus convaincue que transgresser pour transgresser, que détruire quelque chose de laid pour le seul plaisir de détruire quelque chose de laid est un geste salutaire – parce que ce geste désencombre l’imaginaire et permet de commencer enfin à désirer par soi-même, pour soi-même – et finalement, je crois que ça fait de moi une environnementaliste, parce que je lutte (pas toujours avec succès, loin s’en faut) pour dépolluer l’environnement mental puisqu’il y a tant d’idées tordues à abattre… »

À demain pour un autre tercet obscène.
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